Le livre
Le livre s’ouvre de lui-même,
Celui qui brûle dans le noir ;
Chaque lettre est un soupir,
Chaque mot, une longue histoire,
Chaque phrase, plusieurs vies,
Chaque verset, la mémoire des pierres ;
L’enfant ne peut dormir,
Il ne dormira plus,
Deviendra son propre rêve
Pour n’avoir su rêver ;
Tu le suis dans sa lecture :
Il brûle avec le livre
Et tu brûles avec lui ;
Les flammes lèchent vos visages,
Éclairant parfois le sourire des morts ;
L’enfant parle avec eux,
Tu entends à l’infini
Le bruit des pages que l’on tourne :
Ils lisent avec vous ;
L’enfant s’envole avec l’écho,
Par jeu,
Par insouciance ;
Aurais-tu oublié
Cette façon légère
De lire,
D’aimer,
D’effleurer d’un soupir
L’aile d’un papillon,
Le vol d’une hirondelle ?
Aurais-tu oublié l’autre enfant,
Celui qui brûlait dans le noir,
Celui qui se consumait dans ton corps,
L’enfant du livre,
L’enfant du plus secret espoir ?
Se serait-il perdu en toi
L’enfant dont chaque nuit dépose doucement
Le sourire
Sur tes lèvres closes ?
Aurais-tu appris à vivre sans lui,
Sans l’agile consentement,
La tendre impatience
Qui le menaient,
Par la magie de l’ignorance,
Des flammes du verset
Aux lueurs soyeuses de l’aube ?
Mais vois, le jour se lève
Et l’enfant referme son livre
Pour tenter de devenir toi ;
Tu le regardes et refermes ton livre
Pour conserver - juste un instant - sur tes lèvres closes,
L’ombre de son sourire…
(Extrait du Livre du souffle et de l'écho, inédit, 2008)