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Passerelles de l'aube

Par les passerelles

De l’aube

On accède à la faille

Ouverte en toute chose

Et l’on est emporté

Comme fétu de paille

Par on ne sait quel vent ;

 

L’immense vient au corps avec le premier ciel,

Et l’on donne à ses mains

D’autres rêves,

Des rêves d’ailes ou de nuages,

On apprend à ses doigts

À caresser des lointains embryonnaires,

À ses paumes, à retenir la moindre goutte

D’une rare lumière ;

 

De cette faille renaît aussi l’ombre si lourde

Que l’on traîne après soi,

Le plus intime marécage

Avec ses masques de ténèbre et ses brumes

Si sombres

Qu’on croirait voir la vie à travers

Des yeux morts ;

 

Et l’on donne à ses membres

La première impulsion :

On voudrait voir éclore

Avec le jour

La plus belle divinité,

La plus forte émotion,

Pour entrer sans retard avec elles

Dans le secret

Des vaporeux engendrements de la terre ;

 

Le monde, en nous, toujours

Précèdera

Le monde

Et la terre creusera patiemment dans nos chairs

Les mêmes ciels

Semés d’étoiles,

Les mêmes gouffres d’amertume et de sel,

Les doux replis des monts, des légendes,

Pour la pudeur des dieux ou du hasard,

À moins que ce ne soit quelque silence

Préfigurant celui

Qui nous attend en elle ;

 

Saura-t-on un jour,

À force de triturer sa lumière naissante,

Rejoindre l’étonnant éveil de ce qui,

D’elle,

Passe à travers nos corps,

Saura-t-on

Suivre les vols mystérieux

De ces mille folies migratrices

Dont l’espace et le temps s’illuminent et brûlent

Juste à l’instant où vient en nous,

Avec le jour qui point,

La nuit de sa parole ?

(Inédit)

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